Blues, Gospel, même combat![]() |
Cet été
nous avons passé pour la quatrième fois une semaine folle en accompagnant,
au moment où elle entrait au Top 40 U.S., Miss Liz Mc Comb au Gospel
Music Workshop of America, qui se tenait cette année à Minneapolis.
Imaginez le centre de cette ville nordique
et hi-tech envahi dix mille Africains-Américains déchaînés,
chantant et priant jusqu'à la transe. En même temps se déroule
le "GAG" (ce n'en est pas un) : Gospel Announcer's Guild, version
religieuse du MIDEM où le dieu-dollar fait bon ménage avec le
Lord !
Dans un immense hall les"marchands du temple" tiennent des centaines
de stands où s'étalent bondieuseries, prêt-à-porter
"décent" pour s'endimancher, art africain d'aéroport
et
des milliers de CD plus "hot" les uns que les autres.
C'est un enchantement de vivre cette foire où frime rime avec sublime,
son niveau musical hallucinant et son ambiance bon-enfant faisant vite oublier
ses à-côtés un peu dérisoires.
Car presque tous ses participants sont de merveilleux artistes, ano-nymes au
delà des murs de leurs églises mais débordant d'une émotion,
d'une sincérité et d'une "grâce" qui ne peuvent
lais-ser de glace même l'athée le plus impénitent
Accourus des recoins les plus obscurs d'une Afrique-Amérique sans fric,
ces pèlerins d'une musique à la fois moderne et archaïque
ont fait parfois deux jours de bus dans le seul but de chanter un ou deux "spirituals"
et d'écouter leurs
"brothers and sisters". Ces croisés pacifiques étaient
loin de soupçonner que quelques semaines plus tard leur pays allait
être emporté dans une Croisade guerrière!
Le blues a conquis le monde.
La plupart de ses fans sont étran-gers au peuple qui l'a inventé.
En revanche le "black gospel" reste un art du ghetto, même s'il
influence encore plus pro-fondément les autres musiques.
La "Gospel Community" ras-semble sans sectarisme ses centaines de
milliers d'interprètes à quelque église qu'ils appartiennent.
C'est devenu un "état dans l'état", organisé
et solidaire, réalisant l'utopie des vieux militants de la cause noire.
C'est aussi un marché dynamique avec des millions de CD vendus chaque
année des dizaines de vedettes inconnues ici même de ceux qui se
proclament "spé-cialistes" et continuent presque tous de recopier
les mêmes cli-chés, d'embaumer les morts pour mieux enterrer les
vivants.
Oui, le Gospel est plus que jamais une musique vivante, méconnue et passionnante,
à découvrir absolument !
Il est temps que s'efface l'absurde frontière entre "musique du
Diable" et "musique de Dieu ", que le Gospel trouve enfin la
place qu'il mérite dans les lieux du Jazz, du Blues, du Rock.
Cet automne le Quai du Blues (qui a déjà accueilli les Five Blind
Boys of Alabama, les Campbell Brothers et Liz Mc
Comb, entre autres) devient aussi le temple du Gospel.